Facciata del castello del Catajo

Escapade près de Padoue, au cœur des Colli Euganei, à la découverte du mystérieux Château du Catajo

Lors d’un récent périple à travers les grandes villes du nord de l’Italie, un petit livret touristique a attiré mon attention. Il vantait les merveilles du Château du Catajo (Castello del Catajo), niché dans le parc verdoyant des Colli Euganei, tout près de Padoue, en Vénétie.

Veduta aerea Castello Catajo

Photo: Castello del Catajo

 

Comme je faisais route vers Padoue, je me suis dit : « Pourquoi ne pas faire un détour et consacrer la journée à explorer cet édifice fascinant et ses environs ? »

Quand la littérature s’invite sur la route

Sur le trajet — pendant que mon compagnon de voyage faisait une sieste bien méritée — j’ai laissé vagabonder mes pensées. Entre deux paysages vallonnés, quelques vers de L’Orlando Furioso de Ludovico Ariosto me sont revenus en mémoire. En l’occurrence ceux qui parlaient d’Angelica, la belle « reine du Cathay » . Oui, celle-là même qui a fait tourner la tête à tant de chevaliers.

La légende du château du Catajo, près de Padoue

Cathay. Au Moyen Âge, c’est ainsi qu’on appelait la Chine. Mais alors, quel rapport entre la Chine, les Colli Euganei et un château du XVIe siècle ?

Eh bien… pas grand-chose.

Mais comme Catajo sonne presque comme Cathay, l’imagination populaire s’est emparée de l’idée. La rumeur s’est répandue : ce château serait la réplique exacte de celui que Marco Polo décrit dans Le Livre des Merveilles. Les propriétaires ? Ils ont soigneusement évité de démentir cette histoire, bien sûr. Pourquoi gâcher une légende qui fait rêver ?

Soyons honnêtes : à l’œil du voyageur d’aujourd’hui, le château du Catajo ressemble à la Chine comme New York ressemble à Saint-Tropez. Mais n’oublions pas qu’au XVIe siècle, les blogs de voyage n’existaient pas encore. On était bien plus enclin à croire à toutes sortes de récits farfelus.

Giardino castello Catajo

Photo Castello del Catajo

 

La réalité derrière le nom

Désolée de briser la magie, mais l’origine du nom Catajo est bien plus terre-à-terre qu’on ne l’imagine.

En fait, Catajo dérive de Ca Tajo, littéralement maison sur le Tajo. Rien à voir avec un royaume lointain ou des récits exotiques. Le Tajo ? Il s’agirait d’un canal qui, en coupant (taglio en italien) les terres environnantes, aurait donné son nom à la demeure. Moins poétique, non ? Mais ne t’en fais pas, le château cache bien d’autres histoires fascinantes.

Les Obizzi : une famille pas comme les autres

Le château du Catajo a vu le jour au début du XVIe siècle, construit à la demande des Obizzi. Qui étaient-ils ? Une famille française, riche et excentrique, installée en Italie vers l’an mil. Mais les Obizzi ne faisaient rien comme tout le monde. Alors que la noblesse locale construisait de somptueuses villas et d’élégants palais, eux ont choisi d’ériger un château… militaire. En pleine période de paix !

Tu te demandes sans doute : Mais pourquoi un château fortifié quand aucun danger ne guettait ? Eh bien, c’est là que l’histoire devient croustillante. Et cette fameuse rampe d’escalier, alors ? Celle qui relie le Cortile dei Giganti aux étages supérieurs et qui intrigue tous les visiteurs. Pourquoi sa forme si singulière ?

Devine quoi : elle a été conçue de manière à ce que les cavaliers puissent la monter à cheval jusqu’aux salons du premier étage ! Oui, tu as bien lu. Imagine la scène : les seigneurs des Obizzi, entrant triomphalement dans la salle principale sans même poser pied à terre. Une entrée théâtrale, grandiose, à leur image.

Cortile dei Giganti Castello del Catajo. Veronica del blog Meraviglieuropa

Les Obizzi : des guerriers enrichis, pas des nobles

Eh oui, surprise ! Les Obizzi n’étaient pas issus de la noblesse. Leur immense fortune, ils ne la devaient ni à de prestigieux titres ni à de vieilles lignées aristocratiques. Non, leur richesse provenait essentiellement… des guerres. Capitaines de fortune, mercenaires habiles et redoutés, ils s’enrichirent sur les champs de bataille.

Mais ils avaient aussi le sens des affaires matrimoniales. Parmi leurs alliances stratégiques, une se distingue particulièrement : celle de Luigi Obizzi avec la nièce du pape Innocent IV. Rien de tel qu’un mariage bien placé pour accélérer une ascension sociale.

Il leur fallait donc une demeure qui ne soit pas simplement belle. Le château du Catajo devait impressionner, héberger une armée de troupes mercenaires et témoigner, pierre après pierre, de leur réussite économique et de leur soif de reconnaissance.

Des divertissements à la hauteur de leur extravagance

Si la guerre avait fait la fortune des Obizzi, elle faisait aussi partie de leur identité. Pas question de l’oublier, même en temps de paix. Tu te souviens de cette fameuse rampe qui permettait de monter à cheval jusqu’aux étages supérieurs ? Ce n’était qu’un avant-goût de leurs extravagances.

Accroche-toi : dans la grande cour intérieure, appelée Cortile dei Giganti en raison des fresques monumentales qui ornent encore partiellement ses murs, les Obizzi organisaient… de véritables batailles navales. Oui, tu as bien lu : des batailles navales dans la cour d’un château !

Grâce à un ingénieux système hydraulique, la cour était entièrement inondée. Depuis la vaste terrasse qui surplombe la scène — un belvédère où l’on donnait banquets et fêtes — les invités, ébahis, assistaient à ces spectacles hors du commun.

Imagine l’ambiance : tambours battants, cris des combattants, flots d’eau animant la cour, sous les yeux émerveillés d’une noblesse friande de sensations fortes. Les Obizzi aimaient surprendre, et surtout prouver qu’ils avaient atteint les sommets.

Il cortile dei Giganti Château du Catajo Padoue

Décidément, les Obizzi ne cessaient de surprendre. Derrière leurs airs de mercenaires fortunés et leurs démonstrations de puissance, ils cultivaient aussi un goût marqué pour les arts et la culture. Eh oui, sous l’armure battait un cœur sensible à la beauté !

En 1592, Pio Enea II Obizzi, sans doute le plus raffiné de la lignée, fit aménager un somptueux jardin des délices attenant au palais. (Bonne nouvelle : ce jardin est aujourd’hui ouvert au public). Mais ce n’est pas tout. Amateur de spectacles, Pio Enea II fit aussi construire un théâtre couvert, preuve que la culture occupait une place de choix dans le quotidien des Obizzi. Et comment passer à côté de la curieuse fontaine de l’éléphant qui garde l’entrée du château du Catajo ?

la fontana dell'elefante Château du Catajo Padoue

Les œuvres d’art du château du Catajo, près de Padoue

Les Obizzi étaient une famille pour le moins singulière, mais une chose est sûre : ils étaient extrêmement fiers de leur longue dynastie. Et pour cause. Pour illustrer et immortaliser les hauts faits de sa famille ainsi que les relations prestigieuses tissées avec la noblesse européenne, Pio Enea II prit une décision audacieuse.

Il confia à l’artiste Gian Battista Zelotti, élève du grand Véronèse, la tâche d’orner les salles du piano nobile du palais avec des fresques racontant les épisodes les plus marquants de la saga des Obizzi.

Ainsi, en se promenant de pièce en pièce, on retraces toute l’histoire de cette famille — ou du moins, celle qui était connue à l’époque des fresques. Chaque salle dévoile une scène emblématique : exploits militaires, alliances matrimoniales stratégiques ou encore moments clés de leur ascension sociale.

Salone affreschi Catajo Château du Catajo Padoue

Gli interni del castello. Credit photo: Castello del Catajo

Le déclin des Obizzi et le destin du château

Comme toute grande histoire, celle des Obizzi finit par connaître son épilogue. La lignée s’éteint en 1803, faute d’héritiers. Le château du Catajo passe alors entre les mains des Habsbourg.

Ces derniers, sans perdre de temps, transfèrent les précieuses collections de meubles et d’objets d’art vers l’Autriche et l’actuelle République tchèque. Un véritable déménagement patrimonial. Pourtant, un élément clé du décor reste sur place : la célèbre fontaine de l’éléphant. Trop fragile pour supporter un tel voyage, elle continue de garder fièrement l’entrée du château, comme un ultime témoin du faste des Obizzi.

Aujourd’hui, le château du Catajo appartient à des propriétaires privés.

Un passage secret et une énigmatique silhouette

En redescendant de la grande terrasse vers les niveaux inférieurs, un passage étroit creusé dans la roche attire irrésistiblement l’attention. Il est impossible de ne pas remarquer, sculptée dans la pierre, une mystérieuse figure féminine.

Gabrina

Le mystère de la silhouette féminine sculptée dans la roche est enfin levé : il s’agit de Gabrina, une référence littéraire directe à l’Orlando Furioso de Ludovico Ariosto.

Mais qui était donc cette Gabrina ? Une courtisane au charme… disons, particulier. Vieille, laide et boiteuse, certes, mais dotée d’un esprit si vif et de talents amoureux si particuliers qu’elle égayait la vie des hommes de cour. Comme quoi, l’art de la séduction ne se limite pas à la beauté.

En s’approchant de la niche, on peut lire ces vers :

« Ici repose Gabrina, vieille et lascive,
portée jusqu’ici par le galant Zerbin ;
qui, bien que sourde, égarée et boiteuse,
se divertit en amour tant qu’elle vécut. »

Mais un conseil : ne t’attarde pas trop devant elle. La légende raconte que Gabrina, fidèle à son esprit farceur, pourrait bien te jouer un tour… et t’asperger d’un jet d’eau inattendu !

 

La vecchia cortigiana del castello del Catajo

La cortigiana Gabrina

 

Un éléphant aux yeux en amande

Avant de quitter le château et de me diriger vers le magnifique jardin à l’italienne — celui que j’avais aperçu en photo dans la brochure — je jette un dernier regard à l’éléphant. Et là, détail intriguant : ses yeux sont en amande.

Alors, on revient au point de départ ? Le Catai, l’Orient, la Chine ?

Eh bien, en partie oui. Comme me l’expliquera plus tard la guide, au XVIe siècle, on croyait que les animaux d’un pays donné partageaient les mêmes traits physiques que ses habitants. Il était donc parfaitement logique, pour l’époque, qu’un éléphant sculpté avec une touche « exotique » arbore des yeux en amande.

Un clin d’œil (c’est le cas de le dire !) fascinant à l’imaginaire oriental qui nourrissait les rêves d’aventure et de découverte à la Renaissance.

Il Laghetto del Catajo Château du Catajo, Padoue

Prêt à visiter le château du Catajo ?

Si cette balade au cœur de l’histoire des Obizzi t’a donné envie de découvrir le château du Catajo, niché dans le splendide parc des Colli Euganei à deux pas de Padoue en Vénétie par toi-même, voici toutes les informations pratiques qu’il te faut : castellodelcatajo

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